Photographier la maladie du Cancer
Au delà du regard sur la maladie
Sarah m’a contacté cet été, suite à mon article sur le séjour à l’hôpital de ma fille. « Je viens d’apprendre que mon père va mourir »… La peur envahi tout mon corps mais je continue de lire son mail. La peur de perdre un être cher, le besoin d’immortaliser des souvenirs avec lui et l’envie de les transmettre à son enfant. Ma démarche, mes valeurs, mon pourquoi je suis photographe aujourd’hui. Sarah m’a bouleversé et sa demande était tellement juste envers moi ! Je veux dire qu’à ce moment précis, je me suis dis que j’avais réussi à me faire comprendre et qu’elle a exprimé clairement ce qui me rendait vivante dans le métier que j’exerce. Elle avait confiance en moi et savait que je pourrais photographier la maladie du cancer sans le rendre visible sur les photos.
Nous avons donc programmé une séance en famille. Sarah, avec son fils, son frère et sa soeur, et ses parents. Je ne vous cache pas que j’étais stressée à l’idée de faire la séance. Je savais que j’allais être confrontée à la tristesse de cette famille. Tristesse que je connais trop bien. Je n’avais pas peur de la maladie. Ce qui me stressait, c’était de na pas être à la hauteur de la demande. Je savais que chacun d’entre eux avait besoin de quelque chose. Au delà du résultat, bien entendu. Mais je ne savais pas quoi. Cela pouvait être de seulement rire, de penser à autre chose que le cancer, de se sentir aimé, de se sentir vivant… C’était ça mon angoisse. Ne pas savoir si la séance allait leur faire du bien. Peu importe de quelle façon.
Le beau est partout autour de nous
Au début de la séance, la tristesse était bien présente car nous savions pourquoi nous étions là. Mais très vite, la vie a pris le dessus grâce à l’insouciance d’Elias et Esteban. Ces deux petits garçons nous ont ramené à l’essentiel : le moment présent et l’amour d’une famille. Je n’avais plus qu’à les observer s’aimer et partager ce moment ensemble. Faire des bulles, ramasser des coquillages, avoir les pieds dans l’eau… Des moments simples mais c’est tout ce dont nous avions besoin. Dans son premier mail, Sarah se demandait comment « voir le beau » dans la maladie ? Il fallait un regard extérieur, ici le mien, pour leur montrer que c’est possible et que le beau existe bel et bien malgré tout…
Tout juste après la séance, j’ai reçu un mail de Sarah qui était ravie puis de sa Maman qui qualifiait la séance de « bouffée d’air dans la tourmente du cancer ». Et après avoir découvert les photos, Sarah m’a fait part de ses ressentis et de ceux de sa famille et là, j’ai reçu un feu d’artifices d’émotions avec leurs mots comme « Tu es une artiste », « Elle a saisi l’émotion », « Je chiale ma race » (ha ha ! je l’adore celui là!) et d’autres mots encore, tout aussi forts et importants pour moi. J’ai réussi ma mission. C’est tout ce qui compte pour moi. Vous n’imaginez pas à quel point cela me rend heureuse ! Cette séance est totalement révélatrice de mes valeurs, mon approche photographique mais également humaine et de ma façon de vivre la vie, dans ses bons et ses mauvais cotés. Je réitère, le beau est partout.